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Conte de Noël de la Fée Hibiscus

Histoire de thé | Conte de Noël de la Fée Hibiscus

« Vous êtes un homme généreux Léo, il ne vous reste qu’à le reconnaître. »
 — Fée Hibiscus 

 

 LÉO LE HÉROS

Une série de jurons se fit entendre dans le quartier, mais cela n’affola personne, car on avait l’habitude d’entendre Léo sacrer. Enfermé dans son garage qu’il avait transformé en atelier de travail, il réparait, concevait et bâtissait des objets inconnus. Il s’y enfermait à tous les jours entre 13 h et 16 h et c’est tout ce qu’on savait dans le coin; ça et sa vilaine tendance à détester le moindre geste d’empathie : il ne saluait jamais ses voisins et les quelques fois qu’on avait à lui parler, il était si désagréable qu’il fallait user de tous ses talents de diplomate pour ne pas se faire envoyer paître.

 Aujourd’hui, il s’était martelé le pouce gauche en enfonçant un clou et devint hors de lui.

Il sortit dehors et, sous un ciel fade et d’arbres dénudés, Léo maudissait la neige et l’hiver qui allaient bientôt s’installer pendant de longs mois. Comme si ce phénomène, qui amenait avec lui le froid, le vent, les nuits interminables et l’obligation de pelleter, avait été inventé seulement pour le faire souffrir de la toux, du rhume et de la grippe qui s’emparaient de lui à chaque fois afin de l’affaiblir jusqu’au printemps.

Pendant ce temps, Fée Hibiscus se préparait à lui rendre visite. Elle connaissait bien Léo. Elle l’avait vu naître, se marier et mener sa vie professionnelle d’une main de fer. Mais depuis la mort de son épouse et le départ de ses enfants, Léo avait besoin d’aide. Plusieurs lui avaient tourné le dos et les enfants en avaient peur car il était devenu insupportable, sans doute en partie dû à ces grippes chroniques qui sapaient son énergie et son moral. Mais Fée Hibiscus savait qu’il était un homme bon, qu’il ne survivrait pas à cette solitude et qu’il ne lui restait pas beaucoup d’énergie à investir dans sa colère et dans le sentiment d’injustice qui le rongeait jusque dans ses rêves. À l’aube de ses 60 ans, Léo devait se soigner, sa santé en dépendait.

Elle voyagea des centaines de kilomètres en un instant et, une fois devant la porte de l’atelier, elle se demandait comment elle serait reçue. Il fallait approcher Léo avec douceur et surtout ne pas le surprendre : il risquait de faire une montée d’hypertension. Fée Hibiscus décida de se présenter avec une tasse fumante de tisane pour lui faire plaisir, mais aussi pour l’initier aux bienfaits de la fleur d’hibiscus, une potion de son cru qui allait s’occuper à renforcer son système immunitaire. Elle le trouva penché sur un morceau de bois qu’il taillait avec un rabot. Il n’avait pas l’air en forme.

  • Léo? souffla-t-elle.

Il déposa son outil et leva la tête quelque peu contrarié.

  • Que faites-vous ici, Hibi! Je croyais avoir été clair quand je vous ai dit que je voulais être seul! Je n’ai pas besoin de vous.
  • Léo, laissez-moi vous aider, vous êtes grippé. Allez, buvez ceci.

Léo refusa la tisane du revers de la main et la tasse se fracassa contre le mur en déchirant une des ailes de la Fée hibiscus au passage.

Lorsqu’elle se réveilla, elle se trouvait dans la main droite de Léo, emballée avec sa fleur d’hibiscus dans une couverture de laine grandeur-fée que Léo avait conservé depuis leur dernière rencontre. Il l’avait immédiatement entré dans la maison, là où il faisait bon et chaud.

  • Je suis désolé, Hibi, dit-il d’une voix rauque et emplie de tristesse, je ne vais pas bien. Et Léo lui raconta sa colère et ses maux.

Fée Hibiscus lui pardonnerait tout volontiers alors que son aile se réparait doucement. Cela prit sept jours. Pendant ce temps, les deux amis discutèrent devant le feu de foyer qui crépitait au salon en sirotant la potion réconfortante et réparatrice de la Fée Hibiscus. Cette dernière était heureuse de constater que Léo allait de mieux en mieux; il avait progressivement retourné à son atelier et reprit éventuellement son horaire de travail afin de terminer son projet qui, ma foi, étonna tout le quartier : une série de magnifiques berceaux et de chaises berçantes s’alignaient dans ce qui avait été un garage, tous enjolivés de motifs et de fleurs gravés à la main. Son plan avait été de les offrir aux jeunes familles du quartier pour qu’elles partent du bon pied, tout comme il avait commencé la sienne quelque quarante ans plus tôt. Mais depuis qu’il était seul, son objectif avait été rempli de regrets et une grande fatigue ne semblait pas vouloir le quitter.

Cependant, les doses de vitamine C et d’antioxydants que lui procuraient les tisanes, la présence de son amie et de sa fleur d’hibiscus, en plus d’une révision saine de son alimentation avaient fait de lui un homme plus fort, confiant et conciliant. Le quartier le saluait maintenant de la main, on n’avait plus peur de le froisser au moindre commentaire et les familles furent reconnaissantes de sa présence et de sa générosité. Léo était devenu le héros de sa propre histoire. Il avait enfin choisi de se soigner et de soigner les autres à sa façon. Bientôt, on le laissa bercer ses bébés, on l’invita à des événements et les nouveaux parents aimaient écouter ses bons conseils lorsqu’ils se sentaient dépassés.

Fée Hibiscus, quant à elle, quitta la maison de Léo un soir de février. Léo le compris immédiatement lorsqu’il aperçut un magnifique plant d’hibiscus au beau milieu de sa salle de séjour. Le plant, tout comme la fée, avait une fois de plus fait sourire le vieillard qui remercia son amie tout bas. Il avait déjà hâte à sa prochaine visite afin de poursuivre leurs conversations tranquilles autour d’une tisane fumante en plein cœur de l’hiver.